1 juillet 2008

Retrait de la cote : Clarins pourrait faire école

La tribune

Retrait de la cote : Clarins pourrait faire école

Chute des valorisations, contraintes, intérêt financier… De plus en plus de dirigeants actionnaires réfléchissent à quitter la Bourse.

Plusieurs entreprises avaient déjà franchi le pas cette année. L’annonce du rachat des actionnaires minoritaires de Clarins devrait inciter d’autres dirigeants actionnaires à quitter la Bourse de Paris.  » Depuis le début de l’année, nous dialoguons avec une trentaine d’entrepreneurs intéressés par une possible sortie de la Bourse « , reconnaît ainsi Dominik Belloin, associé gérant chez Oddo Corporte Finance.

Conséquence de la chute de 26 % du CAC 40 en un an, les chefs d’entreprise actionnaires ont de plus en plus à admettre la valorisation que le marché donne à leur société.  » Nous sommes dans une situation quasiment unique où, compte tenu des niveaux de valorisation et du coût de l’argent, un rachat d’actions est immédiatement relutif dès la première année pour une grande majorité d’entreprises « , explique Dominik Belloin. Certains dirigeants se disent même exaspérés par le comportement  » court-termiste  » du marché en cette période de crise et acceptent donc plus difficilement les contraintes légales et financières liées à la cotation.  » Dans ces conditions difficiles, quitte à investir dans une entreprise, autant que cela soit dans celle que l’on connaît le mieux, la sienne « , fait remarquer un financier.

Du coup, depuis quelques mois, les banquiers d’affaires, en manque d’opérations et d’introductions en Bourse, mais aussi les fonds d’investissement, s’activent pour trouver les candidats idéaux au retrait de la cote. Premières caractéristiques du portrait-robot : un actionnariat familial et un capital flottant limité, inférieur à la participation de la famille. Le seuil de 30 % de flottant est généralement considéré comme un plafond.

LA PORTE DE SORTIE REQUIERT D’ATTEINDRE 95 % DU CAPITAL

Autres qualités avancées par les analystes de CM-CIC Securities : une activité  » relativement peu cyclique, dégageant un cash-flow libre régulier permettant notamment de couvrir le financement d’une telle opération « . Le capital flottant des Ciments Français représente par exemple seulement 2,4 années de génération de flux de trésorerie. Pour Fimalac, le holding de Marc Ladreit de Lacharrière, qui fait régulièrement l’objet de rumeur de retrait de la cote, le ratio s’élève à 3,6 fois.

Car vouloir quitter la Bourse est une chose, réussir l’opération en est une autre. Le financement est compliqué. Les banques hésitent en effet à prêter de l’argent simplement pour racheter l’entreprise car cela revient à dégrader son propre bilan. Néanmoins, si jusqu’à présent les opérations dites de public to private concernaient essentiellement des petites valeurs, l’exemple de Clarins montre qu’il est aussi possible de monter des dossiers de 840 millions d’euros.

Autre contrainte de taille, l’atteinte du seuil des 95 % du capital qui, seul, permet de mettre en oeuvre un retrait obligatoire de la Bourse. Là encore, l’opération Clarins pourrait faire école.  » Si elle se déroule sans encombres, cela sera le signal que certains fonds qui ont par le passé régulièrement joué les retraits de cote, sont devenus moins actifs par la force des choses, ce qui pourrait inciter d’autres sociétés à suivre l’exemple de Clarins « , estiment les analystes de CM-CIC Securities. Les retraits de la cote pourraient donc se multiplier au second semestre.

OLIVIER PINAUD